Langues régionales de France

There is an interesting blog-based debate going on about the value of teaching “regional languages” in French schools. The main languages in question are Breton, Corsican, Occitan, Basque, maybe Alsacian and some others — none of which is a French dialect (the word having been used with a pejorative connotation).

In discussions like these I realise how much of a Sapir-Whorfian streak I have developed.

Débat intéressant à blogs interposés entre Batims, qui exècre les langues régionales et leur enseignement et qui trouve, en gros, que cela sent le renfermé, et Pascal de chez Finis Africae#[1] qui, au contraire, nous fait une défense passionnée et exhaustive du multilinguisme, du patrimoine linguistique et de la richesse de toute langue, quelle qu’elle soit.

Extrait (Pascal):

Envisage-t-on un sermon de télévangéliste autrement qu’en américain ou en espagnol ? Non. Dans l’Exorciste, la tension monte durant tout le film pour atteindre son point culminant lorsque les deux prêtres scandent trente fois de suite à l’unisson et dans un silence total « the power of Christ compells you » ; cette construction et ce sommet dramatique apparaissent-ils lorsque le film est traduit dans une autre langue ? Non. Un anglophone peut-il vraiment comprendre toute la signification de la simple phrase Allah ouakbar ? Non (ce n’est pas un hasard s’il est interdit de traduire le Coran). Un francophone comprend-il vraiment tout ce que recouvre la гласност popularisée par Gorbatchev ? Non. Et puis surtout, nom de dieu de putain de bordel de merde de saloperie de connard d’enculé de ta mère, peut-on jurer dans une autre langue que le français ?

Inutile de le dire — mes lecteurs/trices réguliers/ères (s’il y en a…) auront deviné que je suis à 100 pour cent du côté de Pascal dans ce débat-là. Cela dit, je trouve que l’anglais se prêtre très bien aux jurons, alors que j’en suis quasiment incapable dans ma langue maternelle. La faute à l’endoctrinement précoce… en allemand, les femmes ne jurent pas.

L’insistance de Pascal sur la dimension culturelle — et j’ajouterais, le système formel — propre à chaque langue illustre bien pourquoi je suis légèrement Sapir-Whorfienne sur les bords, jonglant comme je le fais avec trois langues tous les jours. D’accord, je le suis peut-être un peu moins que Pascal.

Plus sérieusement, il y a plusieurs points à souligner. Comme le dit avec force Pascal, les langues ne servent pas qu’à communiquer. Avec le recul, je tire même la conclusion de mes deux années (malheureues) passées dans l’éducation nationale que c’est une erreur de mettre l’accent exclusif sur l’aspect communicatif dans l’enseignement de l’anglais au collège, au détriment d’une étude raisonnée de la langue d’une part et du contact intime avec des textes de l’autre. Mais c’est un long sujet sur lequel je reviendrai une autre fois.

Reste à constater que l’entraînement intellectuel — qui se passe pour la plus grande partie à l’insu des élèves — en est l’élément le plus important, largement supérieur en valeur que l’utilité immédiate. Il est d’ailleurs impossible pour des élèves francophones, et seraient-ils les pires des cancres, de suivre des cours d’une langue romane sans qu’ils enrichissent leur français

Je relève également l’emploi que fait Batims du mot « dialecte » :

Je râle, lorsque l’on me dit que c’est bien, de pouvoir passer je ne sais quel dialecte en épreuve optionnelle du bac.

C’est un peu triste, mais malheureusement répandu, de voir « dialecte » utilisé avec une connotation péjorative. C’est d’ailleurs un emploi abusif ici. Car de quelles langues parlons-nous ? Ont été évoqués le breton, l’occitan, le corse, le basque ; on pourrait y ajouter l’alsacien ou la LSF. Aucune de ces langues est une dialecte du français. À la limite on qualifierait l’alsacien comme un dialecte allemand (en tant que germanophone ayant vécu dans le Palatinat j’arrive plus ou moins à suive une conversation en alsacien) et l’occitan comme un dialecte catalan (ou plutôt, l’occitan et les variantes du catalan comme dialectes occitano-romans). Le corse est une langue romane à part entière ; l’intérêt du breton se trouve principalement dans son lien avec les autres langues celtes, plus éloignées dans les branchements de l’arbre indo-européen du français que les langues germaniques ou slaves. Plusieurs en font l’objet de mesures d’encouragement dans les Îles Britanniques. Reste le basque, langue intéressante s’il en est : personne n’a pu trouver une langue apparentée au basque, et les études sont encore au stade d’hypothèses.

Le basque et le breton nous rappellent des passés lointains, quand des régions de l’Europe furent habitées par des peuples aux origines et ethnies différentes des notres, aux cultures dont on ne sait encore trop peu. L’occitan et le corse renvoient à une époque un peu plus proche, à l’histoire du français lui-même et son cristallisation au sein de la famille des langues romanes.

Notons enfin que les humains sont parfaitement capables d’être mulitilingues. À l’échelle planétaire, cela est même la norme. Ce qui aiderait serait un enseignement véritablement bilingue dès l’école primaire, rare, pour ne pas dire quasi-inexistant en France. On sait maintenant ce qui marche : enseigner toute une partie des programmes du primaire dans la langue-cible. Allemand, chinois, anglais, arabe, corse ou basque, peu l’importe, pourvu qu’on le fasse pour une langue à la fois, pendant plusieurs années. Cela donne des enfants qui progressent plus vite en cours de langue (encore, quelle qu’elle soit) une fois arrivés au secondaire.


[1]: … dont il faut absolument aller voir la série Je sème à tout vent dont la dernière épisode se trouve ici : Pascal y reproduit, une à une, les lettrines du Petit Larousse de 1905 qui, pour chaque lettre, proposent des collections d’objets dont l’appellation commence par celle-ci.


It is reassuring to know that the Paris police Préfecture has been making plans in the event of terrorists attacking several places at once, like in Madrid or London. According to a Libération article, the first step would be to get everyone out of the public transport network:

Si un jour, un attentat se produit quelque part sur le réseau ferré ou métropolitain en région parisienne, «on peut s’attendre à une autre déflagration ailleurs, et on applique donc le principe de précaution : on évacue tous les passagers des trains et des métros, au bas mot 500 000 Franciliens qui empruntent les transports en commun à une heure de forte transhumance le matin ou le soir», rapporte un haut fonctionnaire.

[If one day there is a terror attack anywhere on the rail or underground network in the Paris agglomeration, “we can expect that another explosion will happen somewhere else and therefore apply the precautionary principle: we evacuate all the railway and metro passengers, at the very least 500,000 Ile-de-France residents who use the public transport network during an hour of great transhumance in the morning or in the evening,” says a senior civil servant. ]

There is of course much more to the plan — the article is quite long; but I’m stopping here because of the word I stumbled over.

It’s not évacuer: I’m quite sanguine these days about this usage#[1]. And let’s only note in passing Francilien, the term for a resident of the Ile de France region (of which Paris is the capital); that’s a former bureaucratic neologism which has caught on.

No, the one I’m intrigued about is transhumance, and that’s also the reason I didn’t translate à une heure de forte transhumance le matin ou le soir with the more idiomatic phrase during the morning or evening rush hour.

Transhumance exists in English and French, and spelling and sense are the same. Unlike what the excerpt might suggest, it doesn’t come from transporting human beings, though. Instead, it means the seasonal movement of cattle and other livestock from one pasture (Lat. humus means “earth”) to another, usually between the hight mountains and the lowlands. In German, that’s Almauftrieb in spring and Almabtrieb in autumn.

As I’m one of those 500,000 Ile-de-France residents, I’m slightly taken aback at being referred to in these terms.


[1]: During my school years, I remember being instructed never to use the German equivalent, evakuieren in this way: Since the literal sense of evacuating is emptying, you should only use it for places, buildings, trains and the like, but not for the people (who hopefully avoid being emptied in the process). Nowadays, this attitude is probably too nit-picky.


Les rennes en rose

Some eggcorns seem to transcend languages. Or rather, some idioms seem to undergo eggcornification in several languages at once. In English, scapegoat has been turned into escape goat and scrapegoat. As for the French equivalent, bouc émissaire has at least four eggcorn versions.

The extremely common eggcorn rein»reign has a French cousin, too. Except that in French, people don’t take the reigns, but the reindeers of power.

According to my estimate, prendre les rennes de … amounts to over 10% of the instances where standard French would have required rênes.

J’ai déjà fait allusion à cela : certaines locutions semblent plus enclines que d’autres à se laisser transformer en poteaux roses. Et le phénomène peut transcender les frontières linguistiques. Ainsi, le pauvre bouc émissaire pointe le nez déguisé en bouquet misère, bouquet mystère, bouc et misère, bouc et mystère et ainsi de suite. Mais son homologue anglais n’est pas mieux loti: pour scapegoat, la petite tribu des eggcornologues a déjà relevé escape goat et scrapegoat.

Quand une locution a un équivalent dans une autre langue, il est sensé de chercher des poteaux roses équivalents. D’autant plus que parfois, dans chaque langue, il existe toute une flopée de paronymes aux racines et étymologies apparentées.

Un « eggcorn » particulièrement fréquent, au point qu’on peut le considérer comme presque acceptable en langue standard, est la substitution de reign(s) (« règne(s) ») pour rein(s) (« rêne(s) ») : dans l’ordre décroissant d’acceptabilité les locutions free reign, reign in et take the reigns of power sont extrêmement courantes. Au point que toutes les trois se retrouvent sur les pages de journaux de qualité (dont le Guardian).

Le français, de son côté, connaît prendre les rênes du pouvoir (ou d’autre chose d’ailleurs), littéralement la même expression qu’en anglais. Comme substitut, règnes, phonétiquement trop éloigné de rênes, ne convient guère. Mais que trouve–t-on dans dans les petits billets de mon ami Laurent Gloaguen ?

  • « La charmante Emmanuelle Skyvington, journaliste de son état, coupable d’un dossier grand-public sur les blogues dans Télérama, mettant en vedette, de façon indue, un blogueur prétentieux et imbu de lui-même, vient de prendre les rennes du blogue de l’hebdomadaire sus-cité. » (lien)

Et il est loin d’être le seul … quelques centaines d’auteurs de site web ont fait pareil. Et pas n’importe qui :

  • « En attendant de prendre les rennes de l’Europe en 2008, l’Anglais pourrait gonfler son record personnel en 2006, Ian Woosnam n’écartant pas l’idée de sélectionner Faldo si celui-ci présente un niveau de jeu lui permettant de rivaliser avec ses adversaires américains. » (Radio France)
  • « Fin prêt à prendre les rennes du pouvoir, le nouveau chef libéral a d’ailleurs déjà promis un poste de premier plan au ministre Ralph Goodale, afin de contrer le sentiment d’aliénation de l’Ouest canadien. » (Radio Canada)
  • « Le rôle de la région et de la communauté internationale doit être renforcé par la volonté des Haïtiens eux-mêmes de prendre les rennes du développement.  » (ONU)
  • « Darius estime alors qu’il est le seul capable de prendre les rennes de l’émission mais le succès lui monte un peu à la tête et il ne tarde pas à se prendre pour Néron. » (ifrance)

Nous sommes à un taux de plus de 10% de poteaux roses, selon l’estimation livrée par les moteurs de recherche.

L’ère équestre est derrière nous, et les mammifères ruminants de la famille des Cervidés vivant dans les régions froides de l’hémisphère nord (je copie sur le TLFi) ont pris le dessus.

Ce poteau rose a de beaux jours devant lui.


A matter of perception

Petit rappel : La langue officielle de l’Union postale universelle est le français. Même pour des envois entre le Japon et les États-Unis.

  • 2005-08-12
  • Comments Off

Mark Liberman receives a parcel from Japan (with an interesting book inside), and wonders why a shipment from Asia to America should be marked with a stamp in French saying BUREAU DE POSTE - MUSASHIFUCHU JAPON - TAXE PERÇUE: I didn’t know that percevoir can mean “to receive (payment)” as well as “to perceive” […]

 read the post »
  • 2005-08-01
  • Comments Off

Céline at Naked Translations knows a retired Canon — the clerical rank, not the weapon — who drew her the most marvellous sketch of a typical English church, with all the parts labelled. I downloaded it for future reference.

 read the post »

Les poteaux roses, c’est auripilant

The word horripilant comes from horreur and not from any word that derive from the root aur- (gold).

Asphondylia auripila is a little gall midge, presumably covered in golden body hair.

  • 2005-07-22
  • Comments Off

Trouvailles : Quel plaisir de faire violence à ce qui auripile nos oreilles. (lien) […] il se donne un genre qui m’auripile et je ne supporte pas sa façon de massacrer les chansons de nos grands chanteurs français. (lien) La n’est pas la question, mais ça m’auripile de vous entendre dire: “Attention aux motos Ecoles”, vous en avez eu […]

 read the post »

Finex ! Pooo !

Interesting (but too short) article on the language of the French military — slang, phonetic idiosyncrasies, and lexicalised initialisms. The source is a semi-confidential manuscript written by an unnamed officer.

Remarkable examples: “PMF” for “woman”, from the collective term “female military personnel”; “IAL” for “drinking straw”, from “interface for liquid food”. And so on.

A general is called a “leek”. Why? Because his head is white, but his shaft still green.

The “translation” of an excerpt from Little Red Riding Hood (that would be “LRRH”, or “PCR” in French) is particularly amusing.

  • 2005-07-14
  • Comments Off

Libé parle langue dans un article de Jean-Dominique Merchet consacré à l’argot militaire (14 juillet oblige). S’il est assez vague sur sa source, «  un petit document semi-confidentiel » (à mon avis, c’est celui-ci ; voir également là) rédigé par un officier anonyme, cet aperçu de particularités lexicales — lexicalisation de termes et sigles issus du jargon bureaucratique […]

 read the post »

An interesting site: Les Accents des Français: We — the authors of this site — are two students at the École des Mines [a prestigious civil engineering school — C.W.] in Paris and victims of the speech “standardisation” that these pages are concerned with… since we speak “accent-free” French. We recognise that a heritage […]

 read the post »

Another lexical creation in French, which Jean Véronis could have caught had he fished for neologisms in the RSS feeds of Libération: blog-bouler, adj. (and past participle) blog-boulé/e. A junior high school girl has nearly been blog-boulée, i.e. “blog-balled”: expelled from her school for having slandered her maths teacher on her (less than one month old) […]

 read the post »

Mon pin’s est greenz

English translation in preparation. This post explores a specifically French phenomenon: the extraneous z, which, pseudo-English like, keeps cropping up at the end of words in the most unlikely fashion.

Ça y est, j’ai décidé de me mettre à la collection des z superfétatoires, ces lettres à valeur plus ornementale que grammaticale, qui s’accrochent, sorties d’on ne sait pas bien où, à la fin de mots et ponctuent les panneaux publicitaires et autres écrits de l’espace publique. Si vous me connaissez vous savez que je n’ai […]

 read the post »