Note perso : Je suis en train de retourner dans ma tête les candidats en lice pour l’élection législative anticipée en Allemagne. Il n’est pas évident de se faire une idée à peu près correcte du paysage politique actuel quand on vit à l’étranger depuis une dizaine d’années. Alors le Guardian News Blog m’apprend qu’il a dû y avoir, depuis mon départ, un bouleversement dans la manière de faire campagne électorale — musicalement parlant. Du moins, cela a l’air mieux que les idées artistique de M. Chirac en 1981. (À l’exception du parti libéral FDP — « Money Money Money » ?! Je crois rêver. Ben, je n’aurais pas voté pour eux de toute façon.)

Et j’attends toujours mon bulletin postal. Traiter avec le personnel de l’ambassade allemande me donne toujours des maux de tête. Ce sont à mon avis les gens les plus malpolis de tout Paris.


Citations d’hier

Three quotes, two from yesterday, one from today. I’m leaving the post in this bilingual version: there’s an English translation for the one that was originally in French.

There is much less of a conflict between journalists and bloggers here in France; I even think this struggle might be a phenomenon that is particular to the US. On the contrary, quite a number of journalist have blogs, and their notes, penned in a personal, more intimate voice, are often a more interesting read than the articles the same journalists write for their newspapers.

… et une d’aujourd’hui.

Les journalistes qui bloguent, ne serait-ce que dans un coin du site officiel de l’organe de presse auxuels ils sont rattachés, apportent un je-ne-sais-quoi de parole à la première personne qui change du baratin des journaux.

Voici la description de Pascal Riché, correspondant de Libération à Washington, du spectacle qu’il s’est offert à ses yeux et à ceux de son compagnon de route, Julian Borger (du Guardian), hier à La Nouvelle Orléans :

Des milliers de gens étaient agglutinés autour du Convention Center, abandonnés à eux-même. Ils attendaient des bus qui ne venaient pas. Plusieurs sont morts, et les autorités n’ont même pas emporté les cadavres qui restent là, posés à même le trottoir. On leur jette des rations alimentaires et des bouteilles d’eau du haut d’un hélicoptère, ou du haut du pont voisin. Comme à des pestiférés. Ils vivent dans la peur, surtout la nuit, à cause des gangs, des armes. Ils ont soif et faim. Les toilettes du centre débordent d’excréments. Vous pouvez imaginer l’état d’exaspération et de colère de ces gens. “Ecrivez que si les bus ne viennent pas, on va mettre le feu à la ville” m’a juré un type.

Car l’autoroute est juste à côté est parfaitement sèche. Les aider, les tirer de là, serait facile. Pourquoi a-t-il fallu attendre quatre jours pour commencer à leur promettre des bus ?

Au début, en débarquant dans cette foule en colère, nous avions un peu peur. Aucun n’a été agressif, tous ont été amicaux, clamant simplement leur indignation, leur souffrance, et leur sentiment profond d’être traités comme des animaux parce qu’ils sont noirs et pauvres.

[« Thousands of people were crowded around the Convention Center, left to their own devices. They were waiting for buses that didn’t come. Several have died, and the authorities haven’t even taken away the dead bodies that are laid out on the sidewalk. Food rations and bottles of water are being thrown down to them from a hovering helicopter, or from a neighboring bridge. As if they had the plague. They are frightened, especially at night, because of the gangs, the arms. They are hungry and thirsty. The toilets of the center are overflowing with excrement. You can imagine how exasperated and angry these people are. ‘Write that if the buses don’t come, we will burn down the city,’ a guy promised me.

Because the highway is very close and perfectly dry. To help them, to get them out of there would be easy. Why was it necessary to wait four days to start promising them busses?

In the beginning, when we entered this angry crowd, we were a bit scared. None of them has been aggressive, all have been friendly, and were simply venting their indignation, their suffering and their deep-seated feeling that they are being treated like animals because they are black and poor. »]

Les notes de Adam Brookes sur le Reporters’ Log de la BBC (également d’hier) sonnent sensiblement pareil :

[16:00 GMT] There’s a very aggressive police presence. They don’t stop and talk to the refugees at all and they don’t communicate with them. They just speed by in their pick up trucks and their cars pointing shotguns out of the window as they go. It’s quite extraordinary behaviour. And these desperate people are waiting for evacuation. The police behaviour makes them all feel like suspects.

Every now and again a military helicopter comes in, it hovers over a car park and soldiers throw out big boxes of bottled water and food ration packs and then a great tide of young men come running in and start fighting for the food. This means that the most vulnerable people, the sick and elderly, many families don’t get a shot of the food coming down. There are five corpses there, at least from what we’ve seen today, it could be a serious development.

[17:24 GMT] One army veteran, sick with diabetes, with no medications, asked me why if the United States is capable of invading a country half a world away, wasn’t it capable of driving him 10 miles across the river.

It was as if in his mind the very idea of Americanness and citizenship was being betrayed.

Donc, pourquoi la Croix Rouge n’était-elle pas présente à côté de ces réfugiés ? Simple: ils ont reçu des ordres. La Garde Nationale contrôlait l’accès à la ville, et le département de la « Homeland Security » ne voulait pas créer des conditions trop « favorables » au maintien de quiconque dans la ville sinistrée :

Hurricane Katrina: Why is the Red Cross not in New Orleans?
  • Acess to New Orleans is controlled by the National Guard and local authorities and while we are in constant contact with them, we simply cannot enter New Orleans against their orders.
  • The state Homeland Security Department had requested–and continues to request–that the American Red Cross not come back into New Orleans following the hurricane. Our presence would keep people from evacuating and encourage others to come into the city.

Quelqu’un a fait exprès de laisser des êtres humains souffrir et mourir dans une ville transformée en enfer. Merci à tous ceux et celles qui ont gueulé, pour que finisse ce spectacle indigne et meurtrier.

(La dernière citation via Rivka, chez Respectful of Otters ; remerciements à Magpie.)


Fruit de mes lectures de la journée, deux liens blogosphériques, catégorie « questions de société ».

D’abord j’apprends via Laurent, dont le domicile sur la toile, les célèbres Embruns, a subi une métamorphose profonde, que les anti-avortement français emploient de nouvelles techniques, insidieuses et professionnelles, pour culpabiliser les femmes. Tout est à lire là-bas, chez Adrien.

Le deuxième point va prendre un peu plus de place. C’est en lisant Kozlika que je tombe dessus. Des nues, pour ainsi dire. Vous êtes prévenus, cela n’est pas une Kozerie (et sûrement pas « en dilletante »).

Pour faire le lien avec les anti-avortement, mentionnons que Kozlika vient d’installer Le blog de ProChoix (« propulsé par DotClear »).

Mais de quoi parle-t-on ? Cela s’appelle Les bilingues sont dangereux, alors, étant bilingue, je les ouvre grandes, les oreilles. Kozlika nous parle d’un rapport préliminaire de la commission prévention du groupe d’étude parlementaire sur la sécurité intérieure, dont on peut télécharger la version PDF ici.

En le lisant, les cheveux se dressent sur ma nuque ; c’est ahurissant, affligeant ; ça me donne le mal d’estomac. On croirait être confrontée à un texte du 19ème siècle qui parle de l’éducation des petits sauvages colonisés, transposé dans le langage politico-technocratique du 21ème.

Allez voir les remarques de Kozlika, et les commentaires laissés par ses lecteurs. Mais j’ai envie de citer un certains passages et donner ici un aperçu de la pensée (et de l’idéologique écœurante) de ces député/es français/es. Tout ce qui suit est du copier-coller, donc les maladresses et erreurs ne sont pas les miennes#[1]. Le sujet de ce beau discours : expliquer la courbe évolutive d’un jeune qui au fur et à mesure des années s’écarte du « droit chemin » pour s’enfoncer dans la délinquance (c’est eux qui le disent), et y remédier, bien entendu.

Si l’un de ces acteurs est défaillant, alors c’est l’ensemble du dispositif qui en pâtie. Chacun à son niveau, a une part de responsabilité dans l’évolution du comportement de l’adolescent. Bien sûr, si le comportement déviant de l’enfant n’est pas corrigé suffisamment tôt, alors des mesures plus radicales seront nécessaires, et dans l’intérêt de l’intéressé, et dans celui de son environnement proche ou immédiat. Le relais qui devra s’instaurer entre le jeune, le corps enseignant, les parents et les professionnels devra permettre de résoudre les difficultés occasionnées. Un contact direct avec le jeune devra être instauré de gré ou par la contrainte avec une personne formée à cet effet pour le soigner ou lui faire choisir un autre chemin que celui q’il est entrain de prendre. […]

Entre 1 et 3 ans :
Seuls les parents, et en particulier la mère, ont un contact avec leurs enfants. Si ces derniers sont d’origine étrangère elles devront s’obliger à parler le Français dans leur foyer pour habituer les enfants à n’avoir que cette langue pour s’exprimer. Actions :
1/ Les réunions organisées par les associations de mères de familles étrangères financées par le F.A.S. peuvent inciter ces dernières dans cette direction. Si c’est dans l’intérêt de l’enfant, les mères joueront le jeu et s’y engageront. Mais si elles sentent dans certains cas des réticences de la part des pères, qui exigent souvent le parler patois du pays à la maison, elles seront dissuadées de le faire. Il faut alors engager des actions en direction du père pour l’inciter dans cette direction.[…]

Entre 4 et 6 ans :
Ces années se passent traditionnellement à la maternelle et c’est là que les premières difficultés peuvent apparaître. Difficultés dues à la langue, si la mère de famille n’a pas suivie les recommandations de la phase [ci-dessus]. L’enfant va alors, au fur et à mesure des mois, s’isoler dans sa classe et de moins en moins communiquer avec les autres. Cet obstacle de communication va s’accentuer et va marginaliser l’enfant non seulement au sein de la collectivité mais également à l’égard de ses camarades. […]

Entre 7 et 9 ans :
Si rien n’a changé concernant les difficultés de langage et le comportement indiscipliné, l’accentuation des actions entreprises devra être décidée et les parents devront prendre leurs responsabilités quant à la mission d’éducation qui leur est imparti. […]

Entre 10 et 12 ans :
Même procédure qu’auparavant mais l’enfant devra être placé dans une structur spécialisée d’éducation renforcée si le comportement persiste avec remise à niveau scolaire et cours d’éducation civique intense. […]

Entre 13 et 15 ans :
Si le jeune n’a pas fait parti du dispositif de suivi social et thérapeutique mise en place précédemment et si les faits délictueux n’apparaissent qu’à cet âge, la même commission devant statuer sur son avenir pourra être saisie et décider de l’entrée dans le centre d’éducation prioritaire du secteur. […]

Au-delà de 16 ans des centres de délinquances adaptés au plus de 16 ans devront être mis en place avec des éducateurs professionnels. Une partie de ces centres devront inclure des espaces de désintoxication et de post-cure pour les jeunes toxicomanes. Une partie formation à un métier manuel devra être également envisagée pour préparer la sortie de ce dernier et une phase de réintégration dans la société avec suivi et mise à l’épreuve sera mise en place. […]

L’éducation nationale ne peut pas assumer les missions d’éducation et de suivi psychologique ou social qu’on lui demande aujourd’hui. Il serait donc utile de faire intervenir les spécialistes ou les maires dans le milieu scolaire dès que des difficultés chez l’enfant apparaissent. […]

Les métiers manuels doivent être revalorisés car il s’agit de « l’intelligence au bout des doigts » selon l’expression de M. Marcel RUFO, pédopsychiatre à Marseille. Il ne doit plus être un enseignement pour mauvais élèves mais au contraire une chance de valorisation de l’adolescent. […]

Le bilinguisme est un avantage pour un enfant sauf lorsqu’il à des difficultés car alors ça devient une complication supplémentaire. Il faut alors faire en sorte que l’enfant assimile le français avant de lui inculquer une langue étrangère.

Il faut traiter les difficultés de l’enfant dans sa globalité et de façon transversale en bâtissant un projet éducatif avec un tuteur référent pour l’enfant un peu comme cela est pratiqué pour les enfants handicapés. […]

Il faut revenir aux valeurs fondamentales qui fondent la vie en société : ses droits et ses devoirs et redonner des valeurs de bien et de mal, de sanctions, dès le plus jeune âge. On constate des actes de violence insensés commis par des jeunes qui ne se rendent pas compte de la portée de leurs actes et qui n’ont aucune conscience d’autrui. La déshumanisation de la violence et le non respect est intolérable et doit être combattu avec la plus ferme sanctions, comme c’est le cas depuis peu pour la récidive.

D’accord, on arrête. C’est tellement mauvais qu’on ne sait même pas où commencer la critique. Pour être claire, je ne m’opposerais bien entendu pas aux initiatives pour aider aussi tôt que possible les enfants qui en ont besoin, que cela soit pour des raisons médicales, sociales, développementales ou autres. Or, ceci n’est qu’un étalage d’ignorance et de prétention qui mélange troubles de langage et maîtrise imparfaite du français, éducation (« prioritaire » ou non) et prévention de la délinquance, handicap et déviance, intelligence et réussite scolaire ; qui néglige tous les acquis de la recherce sur le bilinguisme précoce et l’éducation des enfants bilingues ; et qui prend — et essaie de nous faire prendre — des a priori, des purs préjujés pour des connaissances scientifiques.

Heureusement que des spécialistes des sciences de la langage se sont toute de suite érigés contre ce amas de pseudo-vérités.

P.S.: Vu que parmi les signataires de ce rapport on trouve les deux députés connus pour être à la pointe de l’homophobie en France (Mme Boutin et M. Vanneste), Kozlika demande, « Quelqu’un a-t-il les statistiques du nombre de pédés et de gouines bilingues ? ». Si elle se met à en établir un décompte, qu’elle ne m’oublie pas.


[1]: Je suis la dernière à critiquer la grammaire et le style d’une personne, à fortiori éduquée, de langue maternelle française. Mais là, même moi, dont les adjectifs ne sont pas toujours bien accordés et les accents en battaille, je vois que cela ne va pas du tout. Bon, ça doit être l’adéquation entre la forme et le contenu.


What’s your MP up to?

Je fais écho en anglais à un billet en français, que vous pouvez lire en VO vous-mêmes.

  • 2005-02-03
  • Comments Off

In his post De la démocratie au Palais-Bourbon#[1] on his blog at Ceteris Paribus, Emmanuel offers some thoughts on the role of French members of parliament and how the voting public keeps an eye on their work and votes — or rather, doesn’t. As a political blog, Ceteris Paribus has several things going for it: […]

 lire le billet »

Les élections aux Etats-Unis, c’est aussi notre leçon de géographie américaine quadriennale. En cherchant un peu, on peut trouver des cartes plus intéressantes que celles qui détaillent le résultat final état par état en rouge et bleu (note aux lecteurs ayant besoin du rappel : rouge = parti républicain = droite ; bleu = parti démocrate = […]

 lire le billet »

Après les élections déprimantes et frustrantes du mois dernier, le Guardian nous informe que la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (c’est son nouveau nom) du Parlement européen vient d’acquérir un membre issu du UKIP, le Parti de l’Indépendance du Royaume-Uni. Godfrey Bloom, le monsieur en question, sera un vrai champion […]

 lire le billet »