Fruit de mes lectures de la journée, deux liens blogosphériques, catégorie « questions de société ».
D’abord j’apprends via Laurent, dont le domicile sur la toile, les célèbres Embruns, a subi une métamorphose profonde, que les anti-avortement français emploient de nouvelles techniques, insidieuses et professionnelles, pour culpabiliser les femmes. Tout est à lire là-bas, chez Adrien.
Le deuxième point va prendre un peu plus de place. C’est en lisant Kozlika que je tombe dessus. Des nues, pour ainsi dire. Vous êtes prévenus, cela n’est pas une Kozerie (et sûrement pas « en dilletante »).
Pour faire le lien avec les anti-avortement, mentionnons que Kozlika vient d’installer Le blog de ProChoix (« propulsé par DotClear »).
Mais de quoi parle-t-on ? Cela s’appelle Les bilingues sont dangereux, alors, étant bilingue, je les ouvre grandes, les oreilles. Kozlika nous parle d’un rapport préliminaire de la commission prévention du groupe d’étude parlementaire sur la sécurité intérieure, dont on peut télécharger la version PDF ici.
En le lisant, les cheveux se dressent sur ma nuque ; c’est ahurissant, affligeant ; ça me donne le mal d’estomac. On croirait être confrontée à un texte du 19ème siècle qui parle de l’éducation des petits sauvages colonisés, transposé dans le langage politico-technocratique du 21ème.
Allez voir les remarques de Kozlika, et les commentaires laissés par ses lecteurs. Mais j’ai envie de citer un certains passages et donner ici un aperçu de la pensée (et de l’idéologique écœurante) de ces député/es français/es. Tout ce qui suit est du copier-coller, donc les maladresses et erreurs ne sont pas les miennes#[1]. Le sujet de ce beau discours : expliquer la courbe évolutive d’un jeune qui au fur et à mesure des années s’écarte du « droit chemin » pour s’enfoncer dans la délinquance (c’est eux qui le disent), et y remédier, bien entendu.
Si l’un de ces acteurs est défaillant, alors c’est l’ensemble du dispositif qui en pâtie. Chacun à son niveau, a une part de responsabilité dans l’évolution du comportement de l’adolescent. Bien sûr, si le comportement déviant de l’enfant n’est pas corrigé suffisamment tôt, alors des mesures plus radicales seront nécessaires, et dans l’intérêt de l’intéressé, et dans celui de son environnement proche ou immédiat. Le relais qui devra s’instaurer entre le jeune, le corps enseignant, les parents et les professionnels devra permettre de résoudre les difficultés occasionnées. Un contact direct avec le jeune devra être instauré de gré ou par la contrainte avec une personne formée à cet effet pour le soigner ou lui faire choisir un autre chemin que celui q’il est entrain de prendre. […]
Entre 1 et 3 ans :
Seuls les parents, et en particulier la mère, ont un contact avec leurs enfants. Si ces derniers sont d’origine étrangère elles devront s’obliger à parler le Français dans leur foyer pour habituer les enfants à n’avoir que cette langue pour s’exprimer. Actions :
1/ Les réunions organisées par les associations de mères de familles étrangères financées par le F.A.S. peuvent inciter ces dernières dans cette direction. Si c’est dans l’intérêt de l’enfant, les mères joueront le jeu et s’y engageront. Mais si elles sentent dans certains cas des réticences de la part des pères, qui exigent souvent le parler patois du pays à la maison, elles seront dissuadées de le faire. Il faut alors engager des actions en direction du père pour l’inciter dans cette direction.[…]Entre 4 et 6 ans :
Ces années se passent traditionnellement à la maternelle et c’est là que les premières difficultés peuvent apparaître. Difficultés dues à la langue, si la mère de famille n’a pas suivie les recommandations de la phase [ci-dessus]. L’enfant va alors, au fur et à mesure des mois, s’isoler dans sa classe et de moins en moins communiquer avec les autres. Cet obstacle de communication va s’accentuer et va marginaliser l’enfant non seulement au sein de la collectivité mais également à l’égard de ses camarades. […]Entre 7 et 9 ans :
Si rien n’a changé concernant les difficultés de langage et le comportement indiscipliné, l’accentuation des actions entreprises devra être décidée et les parents devront prendre leurs responsabilités quant à la mission d’éducation qui leur est imparti. […]Entre 10 et 12 ans :
Même procédure qu’auparavant mais l’enfant devra être placé dans une structur spécialisée d’éducation renforcée si le comportement persiste avec remise à niveau scolaire et cours d’éducation civique intense. […]Entre 13 et 15 ans :
Si le jeune n’a pas fait parti du dispositif de suivi social et thérapeutique mise en place précédemment et si les faits délictueux n’apparaissent qu’à cet âge, la même commission devant statuer sur son avenir pourra être saisie et décider de l’entrée dans le centre d’éducation prioritaire du secteur. […]Au-delà de 16 ans des centres de délinquances adaptés au plus de 16 ans devront être mis en place avec des éducateurs professionnels. Une partie de ces centres devront inclure des espaces de désintoxication et de post-cure pour les jeunes toxicomanes. Une partie formation à un métier manuel devra être également envisagée pour préparer la sortie de ce dernier et une phase de réintégration dans la société avec suivi et mise à l’épreuve sera mise en place. […]
L’éducation nationale ne peut pas assumer les missions d’éducation et de suivi psychologique ou social qu’on lui demande aujourd’hui. Il serait donc utile de faire intervenir les spécialistes ou les maires dans le milieu scolaire dès que des difficultés chez l’enfant apparaissent. […]
Les métiers manuels doivent être revalorisés car il s’agit de « l’intelligence au bout des doigts » selon l’expression de M. Marcel RUFO, pédopsychiatre à Marseille. Il ne doit plus être un enseignement pour mauvais élèves mais au contraire une chance de valorisation de l’adolescent. […]
Le bilinguisme est un avantage pour un enfant sauf lorsqu’il à des difficultés car alors ça devient une complication supplémentaire. Il faut alors faire en sorte que l’enfant assimile le français avant de lui inculquer une langue étrangère.
Il faut traiter les difficultés de l’enfant dans sa globalité et de façon transversale en bâtissant un projet éducatif avec un tuteur référent pour l’enfant un peu comme cela est pratiqué pour les enfants handicapés. […]
Il faut revenir aux valeurs fondamentales qui fondent la vie en société : ses droits et ses devoirs et redonner des valeurs de bien et de mal, de sanctions, dès le plus jeune âge. On constate des actes de violence insensés commis par des jeunes qui ne se rendent pas compte de la portée de leurs actes et qui n’ont aucune conscience d’autrui. La déshumanisation de la violence et le non respect est intolérable et doit être combattu avec la plus ferme sanctions, comme c’est le cas depuis peu pour la récidive.
D’accord, on arrête. C’est tellement mauvais qu’on ne sait même pas où commencer la critique. Pour être claire, je ne m’opposerais bien entendu pas aux initiatives pour aider aussi tôt que possible les enfants qui en ont besoin, que cela soit pour des raisons médicales, sociales, développementales ou autres. Or, ceci n’est qu’un étalage d’ignorance et de prétention qui mélange troubles de langage et maîtrise imparfaite du français, éducation (« prioritaire » ou non) et prévention de la délinquance, handicap et déviance, intelligence et réussite scolaire ; qui néglige tous les acquis de la recherce sur le bilinguisme précoce et l’éducation des enfants bilingues ; et qui prend — et essaie de nous faire prendre — des a priori, des purs préjujés pour des connaissances scientifiques.
Heureusement que des spécialistes des sciences de la langage se sont toute de suite érigés contre ce amas de pseudo-vérités.
P.S.: Vu que parmi les signataires de ce rapport on trouve les deux députés connus pour être à la pointe de l’homophobie en France (Mme Boutin et M. Vanneste), Kozlika demande, « Quelqu’un a-t-il les statistiques du nombre de pédés et de gouines bilingues ? ». Si elle se met à en établir un décompte, qu’elle ne m’oublie pas.
[1]: Je suis la dernière à critiquer la grammaire et le style d’une personne, à fortiori éduquée, de langue maternelle française. Mais là, même moi, dont les adjectifs ne sont pas toujours bien accordés et les accents en battaille, je vois que cela ne va pas du tout. Bon, ça doit être l’adéquation entre la forme et le contenu.
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Les bilingues sont dangereux, la suite
Via Racontars, dans un billet beaucoup plus charpent que le mien, je viens de lire l’interview que Benisti a accorde Afrik.
Je vous connais, vous allez encore trouver que cette commission - et en premier lieu son prsident - raconte vraiment…