Les poteaux roses, c’est auripilant

The word horripilant comes from horreur and not from any word that derive from the root aur- (gold).

Asphondylia auripila is a little gall midge, presumably covered in golden body hair.

Trouvailles :

  • Quel plaisir de faire violence à ce qui auripile nos oreilles. (lien)
  • […] il se donne un genre qui m’auripile et je ne supporte pas sa façon de massacrer les chansons de nos grands chanteurs français. (lien)
  • La n’est pas la question, mais ça m’auripile de vous entendre dire: “Attention aux motos Ecoles”, vous en avez eu ? (fr.rec.moto)
  • Désolé j’ai pas pu attendre pour cette contrib mais là ça m’auripilait trop de voir l’affiche des verts et quatre fois sur le site. (lien)
  • Ouais tu verras à wiii comme c’est particulièrement auripilant cet écran qui apparaît et qui bloque les joueurs pendant qu’on est entrain d’attendre les autres. (lien)

Asphondylia auripila est un petit moucheron qui cause des galles sur les feuilles ou tiges de certains végétaux. Et qui possède, je présume, des poils de couleur dorée.#[1]

(Oui, c’est encore un poteau rose.)


[1]: Étymologie non vérifiée. Si c’est une bourde, n’hésitez pas à me reprendre.


… et où l’on les découvre vraiment

French eggcorns, the list.

Continuation du billet précédent, coupé en deux pour raison de longueur excessive.

Voici donc la liste des poteaux roses français :

  • héraut » héros : Un héros de la lutte contre le SRAS élu président de l’Association médicale chinoise (lien)
  • ôter » hauter : Mon père avait sélectionné avec soin deux sabres pour nous hauter la vie, Ashanka fermait les yeux, elle ne semblait pas avoir peur. (lien)
  • autel » hôtel : C’est pratique d’être enceinte : on n’a pas besoin d’attendre les fins de semaine pour sacrifier à l’hôtel de la consommation de masse. (lien)
  • omoplate » homoplate : Ses cheveux noirs et bouclés me fascinaient, je l’avoue, et aussi, sa robe, dans le dos, je crois que ça n’était pas la robe en fait, je crois que c’était la mariée, son dos, sa nuque, et ses homoplates. Oui, c’était beau, ses homoplates. (lien)
  • horoscope » auroscope : Née le 30 avril 1984, je suis un taureau et un rat selon l’auroscope chinois. (lien)
  • oriflamme » horiflamme : Il était surprenant de les voir ainsi, tout de noir vêtus, portant des horiflammes noirs. Ils arrivaient manifestement du quartier Limoilou. (lien)
  • [prendre la] pose » pause : Une partie du groupe prend la pause pour une photo. (lien)
    [C’est plus facile quand on s’arrête un peu.]
  • [trempé jusqu’aux] os » eaux : Mais l’averse à redoublé et Ian est rentré chez lui trempé jusqu’aux eaux, mais content. (lien)
    D’un seul coup de véritables rafales d’eau ont fendu les cieux pour s’abattre sur les pauvres travailleurs qui rentraient chez eux, le vent s’est déchaîné par soubresauts réguliers, et en deux-cent mètres j’étais trempé jusqu’aux eaux. (lien)
  • [en son] for » fort [intérieur] : Quand le secrétaire général adjoint de l’OUA, Saïd Djinnit, parlait de “légalité constitutionnelle” à la table de négociations entre les partisans du maire et ceux de l’amiral Ratsiraka, une partie de la rue pensait en son fort intérieur qu’avec l’arrivée de Marc Ravalomanana dans l’arène politique, Jésus avait enfin fait un signe en direction de Madagascar. (lien)
  • [en son] for » fond [intérieur] : Car en son fond intérieur il en est persuadé, il ne pourra jamais pratiquer des oeuvres qui pourraient lui permettre de vivre si ce n’est aux crochets de cette société. (lien)
  • bât » bas :
    C’est là que le bas blesse. L’éthique ne prévoit pas de freiner et d’interdire ce genre de recherches… Le faudrait-il d’ailleurs ? (lien)
    Hélas le bas blesse lorsque l’on aborde le chapître “confort” où l’on retrouve les vieux démons d’Opel…(lien)
  • [valoir le] coup » coût :
    Essaye de ne pas montrer ton mal-être […]. C’est plus facile à dire qu’à faire, mais ça vaut le coût d’essayer. (lien)
    C’est un petit message d’espoir d’une jeune fille qui trouve que la vie vaut le coût d’être vécue.. (lien)
    [De nos jours, la valeur des choses est mesurée par leur prix.]
  • [y] afférant » affairant : L’investissement y affairant sans pour autant être colossal répond à des besoins et à des manques si son utilisation s’avère être une démonstration par son apport au mieux être des populations du continent. (lien)
    [Ben, c’est le monde des affaires après tout.]#[2]
  • blanc-seing » blanc-sein : A Montpon Ménestérol (24) le syndicat autonome a quitté la table des négociations refusant de signer un blanc-sein, laissant ainsi seuls, FO et la CGT devant l’administration. (lien) [Stabilo à la main ?]
    Certains estiment que nous devons juste nous rencontrer pour leur donner un blanc-sein afin qu’ils puissent proclamer les résultats des élections qui n’ont même pas eu lieu encore. Il ne faut pas exagérer ! (lien)
  • [dans] l’air » l’ère [du temps] :
    “On a financé les ordinateurs grâce aux kermesses et aux spectacles. A cette époque, ce n’était pas dans l’ère du temps”, raconte-t-elle. (clicanoo)
    Arrêt du tabac parce que cela s’inscrit dans l’ère du temps (lien)
  • [à la] queue leu leu » queue-le-le : Il est 12h05, les autres coureurs sont là, prêts à en découdre, la foule est plaquée contre les barrières, les motos suiveuses démarrent, les directeurs sportifs sont installés dans les voitures, à la queue-le-le derrière nous ; mes poches sont pleines, mes bidons aussi. Je ne peux plus reculer… (lien) [Qu’à l’origine, l’expression faisait référence au loup a été oublié.]
  • androgyne » androgène :Emilio Pucci a préféré orner ses tenues de chapeaux d’homme pour un look androgène très tendance. (lien)
  • diable Vauvert » diable au vert : Certains fils d’habitants préfèrent ne pas s’éloigner de leur famille et s’engagent comme ouvriers agricoles chez les gros paysans comme Léon Simard. Ainsi, ils n’ont pas besoin d’aller «au diable au vert» pour tirer leur pitance. (lien)
  • diable Vauvert » diable veau vert : John Turkish, ô miracle ! Il est revenue du diable veau vert et s’est jeté pour repousser le ballon en corner ! (lien)
  • renfermé » rang fermé : [La chambre de Bonne-Maman sentait] le rang fermé. (relevé par samantdi dans une copie d’élève)
  • [passer à] la trappe » l’attrap(p)e : Je pense que mon appel à l’aide de ce weekend est passé à l’attrappe (lien)
  • bouc émissaire » bouquet misère : Ce besoin d’un coupable, d’un bouquet misère, de cette opposition. Pour moi, la clé consiste à être en paix avec soi-même. (lien)
  • bouc émissaire » bouquet missaire : Il faudra qu’il se trouve un autre bouquet missaire. (lien)
  • bouc émissaire » bouc et misère : Pour finir ma critique artistique, je vous classe volontiers dans la catégorie: chanteur maso! Méfiez vous de ne pas devenir le “bouc et misère” de la chanson française! (lien)#[4]
  • chienlit » chien-lit :
    La lutte ouverte entre le Chef de l’Etat et le Premier Ministre déclenchée le 5 septembre, le conduit à intervenir pour mettre fin à la “chien-lit”, comme il le disait. (lien)
    Sire Yvap, le grand chambellan de la cour des Yvap, pestait solennelement face au chien-lit nauséabond qui régnait à présent dans le royaume du Roi Moi-Moi, son suzerain. (lien)
  • caparaçon » carapaçon : Pendant un combat, pour le protéger, [le destrier] est revêtu d’un carapaçon, une couverture de fer généralement de la même couleur que l’écu. (lien) [Le caparaçon ayant une fonction protectrice, le rapprochement avec carapace semble raisonnable.]#[3]
  • rémunérer » rénumérer : De quelle rénumération est-il tenu compte pour le calcul de la pension ? (portail fédéral, Belgique)#[3]
  • aréopage » aéropage :
    Visite de l’Agora, puis de l’Aéropage : une stèle de bronze rappelle que c’est sur l’Aéropage que l’apôtre Paul s’adressa aux Athéniens pour les inviter à se convertir au dieu dont il annonçait la bonne nouvelle. (lien)
    Heu, pardon, je me joindrai à ce distingué aéropage. (lien)
    [Il y a influence du mot aéroport.]#[3]
  • gynécologue » génycologue : Les femmes enceintes qui désirent être suivies par un ou une génycologue francophone travaillant dans cet hôpital devraient consulter le site Internet du Collège des médecins […] (Conseil régional de santé de Toronto) [Pour avoir un bébé, une femme a besoin d’un géniteur et d’un/e génycologue.]#[3]
  • infarctus » infractus : La nouvelle technique est le fruit d’une recherche engagée en 2003 en Argentine sur l’implantation de cellules-mères dans le coeur pour réparer des tissus endommagés à la suite d’un infractus. (dépêche de l’AFP) [Voir fracture et infraction.]#[3]
  • [prix] Nobel » Noble :
    Prix Noble de Chimie (1954), prix Noble de la Paix (1962), scientifique et pacifiste, Linus Pauling fait l’objet de deux expositions à l’ONU à Genève (jusqu’au 8 mai) et au CMU de Genève (du 12 mai au 13 juin). (SER)
    Si l’on part de la théorie d’Amartya SEN (prix Noble d’économie 1998) sur les capacités, les individus devront faire des choix en fonction de leur capacité. (UNAFOR)
  • mort » mord : Seconds de la première étape du Trophée BPE qui conduisaient les 18 équipages de St Nazaire à Porto Santo, Gildas Morvan et Bertrand Pacé ont quitté Madère le mord au dents avec comme espoir la victoire finale. (lien)
  • septique » sceptique :
    Est-ce que j’ai de le droit de mettre mes eaux de pluie dans la fosse sceptique avec épandage ? (lien) [En effet, mieux vaut être sceptique.]
    Trois Kenyans morts dans une fosse sceptique pour un portable (lien) [Ça, c’est plutôt une fosse tragique.]#[5]
  • censé » sensé :
    Il est clair qu’un journaliste n’est pas sensé faire de la politique et qu’un homme politique n’est pas sensé faire du journalisme sans prendre l’un et l’autre le risque d’échouer sur les deux fronts. (lien) [Oui, cela peut paraître sensé…]
    Les présumés rivaux du Tigre — Vijay Singh, Ernie Els, Phil Mickelson et Retief Goosen — étaient sensés lui souffler dans le cou. (lien) [… alors que ceci l’est moins.]
  • [ne pas avoir sa langue dans la] poche » bouche : Thomas me présente à Tatou qui, comme je le verrai plus tard, est un de ces pédéblogueurs qui n’ont pas leur langue dans leur bouche (lien)
    [L’ayant rencontré, je peux confirmer pour Tatou.]
  • foutre » foudre : Tu es allé à l’ecole mais tu n’as pas appris ce qu’on enseignait. idiot va te te faire foudre. (lien)
  • aborigène » arborigène : L’astronomie arborigène australienne est différente de la science occidentale. (lien) [Je me pose des questions sur l’image qu’ont les utilisateurs de ce poteau rose des peuples aborigènes.]
  • [vouer aux] gémonies » hégémonies : J’ai essayé de répondre aux questions que tu me posais et me voici voué aux hégémonies psychiatriques si je te lis bien : […] (lien)
  • indemne » idem : En revanche si tu t’es déjà battu dans la rue contre au moins trois personnes en même temps et que tu t’en es sortie idem, tu peux savoir si ton AM ou BUDO est efficace, sinon ce n’est que pure supposition. (fr.rec.sport.arts-martiaux)
  • [cris] d’orfraie » d’orfèvre : Mais dans le même, les cris d’orfèvre de tous les écolos bobos qui hurlent à la moindre mise en cause de ces seigneurs des montagnes, de cet animal divin, de ce hérault des temps anciens, dont la réintroduction constituerait une étape décisive dans l’histoire de l’humanité, et ben ceux là, je rêve des les envoyer faire les 3/8 en alpages durant tout un été, histoire qu’ils mettent eux mêmes en pratique les solutions grotesques qu’ils préconisent. (lien)
  • l’âne » l’âme [de Buridan] : Mais comme il est sentimental, il ne tarde pas à tomber amoureux et se contente alors de se retrouver comme l’âme de Buridan, entraîné dans un jeu de balançoire qui le porte de l’une à l’autre sans qu’il puisse savoir où vont ses préférences. (lien)
  • [passer] l’arme » l’âme [à gauche] : Ils ont dormi la plupart du temps, assis, bien droits, la bouche ouverte, si bien que j’ai cru, un moment, qu’ils avaient passé l’âme à gauche (quoique, en avion, elle est où l’âme, elle est où la gauche?) (lien)
  • [en mon] âme » arbre [et conscience] : Ce que je peux dire en mon arbre et conscience… (lien)
  • box » boxe : Prévoyez également un boxe fermé pour y garer votre voiture (votre assurance peut d’ailleurs l’exiger), car rien ne sera plus facile que de “fracture” la capote (qu’elle soit souple ou rigide) pour s’en emparer. (lien)#[6]
  • amende » amande : Clivage=ignorance et c’est pas bon. Donc je fais amande honorable envers Michel. (lien)

[2]: Utilisé par Fred Vargas, dans Pars vite et reviens tard, pour carcatériser le personnage du crieur, Joss Le Guern. [3]: Voir le billet Lexique: Omnubilés par l’infractus de Jean Véronis sur Technologies du langage. [4]: Oui, au moins trois. Les collections de « perles » d’écoliers, bacheliers et autres jeunes, auxquelles je ne fais pas confiance en l’absence de citations authentiques, ont aussi bouquet mystère. Ce dernier est aussi cité dans des articles de presse sur le procès des pédophiles d’Angers, avec [couper] les ponts » l’éponge. Mais c’est de l’ouï-dire.
L’équivalent anglais, scapegoat, compte aussi plusieurs variantes, dont escape goat et scrapegoat. [5]: Voir le billet Pourrir, sans doute des correcteurs du Monde, dont je conseille non seulement le blogue (Langue sauce piquante), mais également le P’tit Dico. Vivement. [6]: Toujours sur Langue sauce piquante.

Tout comme ceux qu’on rencontre dans la vie réelle, ces poteaux roses sont de qualité variable. Si un jour la base de données s’étend au français, certains seront marqués comme « douteux » (questionable) : nous ne savons pas si ceux qui écrivent boxe pensent au sport de combat ; blanc-sein est courant mais le lien sémantique reste obscur ; amande était jadis une graphie acceptable ; en mon arbre et conscience paraît plutôt cocasse que sensé ; accepter androgène signifie qu’on considère que les locuteurs français possèdent une intuition quant au sémantisme du morphème -gène.

Nous devrions sans doute rajouter d’autres substitutions par métathèse que Jean Véronis a relevé : obnubilé » omnibulé, obnubilé » obnibulé. Il me faut d’urgence un phonéticien du français (ou un livre qui ne soit pas imbuvable…) !

J’aimerais rajouter sens » sans [dessus dessous], mais comme cela est le titre d’un livre de Jules Verne, il n’est pas aisé de distinguer poteau rose, allusion littéraire et jeu de mots. Difficulté d’ailleurs récurrente.

Vous n’y voyez rien de poétique et naturel ? Vous préférez la lamentation ? Alors, avant de déposer mon âme, deux petites réflexions.

Primo, c’est fait exprès, les phrases-exemples ci-haut sont grosso modo pas trop mal orthographiées ; mieux que ce blogue l’est parfois. Certaines sont bien écrites. Ce sont des locuteurs compétents qui ont planté ces poteaux roses, et il serait de la mauvaise foi de les considérer comme illettrés.

Deuxio, revenons à notre diable Vauvert, qui, il faut le rappeler, est déjà une corruption du diable de Vauvert. Le Littré nous informe sèchement : « Quelques-uns disent aller au diable au vert ; mais cela est vicieux. » Un vice ? Voyons :

  • Avec cette rage d’aventures, ce besoin d’émotions fortes, cette folie de voyages, de courses, de diable au vert, comment diantre se trouvait-il que Tartarin de Tarascon n’eut jamais quitte Tarascon? (Alphonse Daudet, Tartarin de Tarascon)
  • J’ai voyagé en Bohème, en Allemagne, en Suisse, en Hollande, en Flandre; au diable, au vert. (Denis Diderot, Le Neveu de Rameau)

Que puis-je dire ? If it’s good enough for Diderot, it’s good enough for me.

P.S. : Je remercie mon amie Kareen pour son aide… non seulement relative aux poteaux roses.



… où l’on découvre les poteaux roses

This is a long overdue post on French eggcorns, with an introduction and (in the second instalment) a collection of about 40 of “poteaux roses”.

Les lecteurs/trices francophones qui ne jettent pas les gants devant les billets rédigés dans la langue de JK Rowling ont déjà rencontré un genre d’entités mystérieuses appelés eggcorns. Il est grand temps que /ser.ənˈdɪp.ɪ.ti/ leur consacre un article en français. Le voici.

L’histoire des eggcorns a débuté il y a deux ans, quand les professeurs de linguistique qui animent l’excellent Language Log se sont penchés sur le cas de la graphie inhabituelle — erronée — qui est justement egg corn pour ce qui de toute évidence aurait dû s’écrire acorn, c-à-d le gland du chêne. Ce qui est intéressant dans cet écart à la règle orthographique : si l’on ne sait pas comment les dictionnaires épellent acorn, la variante egg corn paraît tout à fait raisonnable pour cette sorte de graine (corn) ovoïde (egg).

Très vite il s’est avéré que le phénomène était loin d’être un accident isolé. Comme le montre le titre du billet initial de Mark Liberman (Egg corns: folk etymology, malapropism, mondegreen, ???)#[1], la question fut posée comment on devrait appeler un tel écart linguistique. Dans Lady Mondegreen says her peace about egg corns, Arnold Zwicky fit remarquer que les linguistes ne disposent pas d’assez de termes (techniques ou informels) pour nommer tous les différents procédés que les gens emploient pour « refaçonner » (« reshape ») les mots et locutions de leur langue. Le nom eggcorn fut adopté et une véritable eggcornomanie se développa.

PEB/FOX: découvrir le poteau rose

La maladie était contagieuse, et pour mettre un peu d’ordre dans tout cela j’ai créé un site (en fait, une base de données), The Eggcorn Database, qui à attiré la collaboration de plusieurs associés prolixes, dont des professionnels de la linguistique, et compte à ce jour 360 entrées dûment répertoriées et documentées. Et j’en suis fière comme un bar-tabac.

Comme la faculté de langage est commune aux êtres humains, le phénomène n’est pas limité à la langue anglaise. Et étant incapable de fonctionner en une seule langue à la fois, j’ai commencé ma petite collection d’exemples français. Seulement, il fallait un nom . En cherchant un peu, j’ai vite décidé de les appeller des « poteaux roses ».

Quand j’explique ce que j’entends par « poteau rose », le premier exemple cité par mes amis est en général la substitution autant pour moi pour au temps pour moi. En effet, cela en est l’exemple-type :

  1. Le sens (ou ce qu’on appelle le « sémantisme », le fonctionnement sémantique) de la graphie traditionnelle — la référence sportive, ou musicale — est devenu opaque pour la majorité des gens.
  2. L’idée, floue et instinctive peut-être, que les locuteurs moyens ont du sens de l’adverbe autant s’accorde très bien avec ce qu’ils veulent dire quand il utilisent cette locution.
  3. Les deux versions sont parfaitement homophones (en API cela s’écrit, par exemple, [oˈtɑ̃puʁˈmwa]  ).

En réalité, nous acceptons des prononciations proches (des paronymes) : plus le sens originel ou l’étymologie de la cible sont impénétrables, plus il peut y avoir écart phonologique ou sémantique entre l’original et son poteau rose.

Attention, toutes les confusions de mots ne comptent pas. Les difficultés notoires introduites par les nombreux homophones du français ne créent dans la plupart des cas pas de poteaux roses. Quelqu’un qui écrit foi au lieu de foie pense quand même à l’organe et non à la religion ; idem pour l’oubli d’un accent créant par hasard un mot incongru (tâche/tache). Il ne s’agit pas non plus de confusions entre deux termes mal compris (astrologie/astronomie, âcre/âpre…), ou de différences de sens subtiles (acception/acceptation, affleurer/effleurer, compréhensif/compréhensible…).

Quand on emploie un poteau rose on sait parfaitement ce qu’on veut dire et a compris la sémantique des mots qu’on va effectivement consigner sur papier. Sauf que se sont malheureusement pas « les bons », car il manque une pièce du puzzle étymologique, sémantique et parfois historique.

Il se pourrait que vous soyez de ceux et celles qui à ce stade du récit se mettent à déplorer la déperdition de la langue, la baisse du niveau, la monté de l’illettrisme et la hausse du prix des… oh, désolée. Vous avez tort. Les procédés qui font que la langue change sont aussi vieux que la langue elle-même.

En effet, qu’arrive-t-il à des poteaux roses qui réussissent ? Google trouve deux fois et demi le nombre de pages pour autant pour moi que pour au temps pour moi, et l’expression est bel et bien dans le Petit Robert. Eh bien, ils seront désormais catalogués sous l’appellation « étymologie populaire » .

Et il y en a. Le remède de bonne femme, par exemple, qui, comme l’explique langue-fr.net, est la métamorphose d’un remède de bonne fame, donc de bonne renommée, bien famé. Tomber dans les pommes n’est pas en meilleure posture ; rien à voir avec la culture fruitière.

[1]: Un « malapropisme » est un type d’erreur linguistique nommé d’après Mrs Malaprop, un personnage tiré d’une comédie de Sheridan (le nom lui-même fait allusion à mal à propos, bien entendu). C’est la substitution, souvent aléatoire, d’un mot « compliqué » (terme technique, mot rare, latinisme ou grécisme de la langue savante) par un autre. Par exemple : allegory au lieu de aligator.
Un « mondegreen » est une erreur de perception (et non de production) des paroles d’une chanson ou d’une déclamation. Cela vient de la ballade écossaise The Bonny Earl of Murray, dont les deux vers « They have slain the Earl of Murray / And laid him on the green » (« Ils ont abattu le Comte de Murray / et l’ont déposé sur le pré ») s’est transformé à l’écoute en « … / and Lady Mondegreen ».

Finissons-en avec l’introduction. Derrière la coupure, voilà un premier recueil d’une quarantaine de poteaux roses français.

… ben, c’était ce qui était prévu, mais un billet de 3647 mots est difficilement gérable. Continuez donc avec la deuxième partie.

Crédit Image : PEB et FOX, dont les planches (« Calembours », « Figures de style »…) sont magnifiques, mais dont le nouveau site fait planter mon Firefox.



  • 2005-07-19
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Interesting article by Michael Erard in today’s New York Times (reg. req’d), on the book and the database The Ethnologue, which are published by the Summer Institute of Linguistics (S.I.L.). This is an absolutely amazing source of information for everyone who is interested in the languages of the world. Erard does not avoid to touch upon the […]

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Finex ! Pooo !

Interesting (but too short) article on the language of the French military — slang, phonetic idiosyncrasies, and lexicalised initialisms. The source is a semi-confidential manuscript written by an unnamed officer.

Remarkable examples: “PMF” for “woman”, from the collective term “female military personnel”; “IAL” for “drinking straw”, from “interface for liquid food”. And so on.

A general is called a “leek”. Why? Because his head is white, but his shaft still green.

The “translation” of an excerpt from Little Red Riding Hood (that would be “LRRH”, or “PCR” in French) is particularly amusing.

  • 2005-07-14
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Libé parle langue dans un article de Jean-Dominique Merchet consacré à l’argot militaire (14 juillet oblige). S’il est assez vague sur sa source, «  un petit document semi-confidentiel » (à mon avis, c’est celui-ci ; voir également là) rédigé par un officier anonyme, cet aperçu de particularités lexicales — lexicalisation de termes et sigles issus du jargon bureaucratique […]

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An interesting site: Les Accents des Français: We — the authors of this site — are two students at the École des Mines [a prestigious civil engineering school — C.W.] in Paris and victims of the speech “standardisation” that these pages are concerned with… since we speak “accent-free” French. We recognise that a heritage […]

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Hobbes or Corneille?

L’anglais n’a pas d’expression qui correspond au choix cornélien français (l’allemand non plus, d’ailleurs), mais il y en a une pour un choix entre quelque chose de peu satisfaisant et rien du tout : c’est un choix de Hobson, d’après un monsieur qui louait des chevaux en instistant que ses clients soit prennent le cheval le plus près de la porte, soit partent bredouille.

Certains anglophones ont ressenti un manque, une sorte de trou lexical, et se sont mis a appeller choix hobbésien les situations de choix où, par la nature même de l’alternative posée, on est toujours perdant.

Deux problèmes : la référence au philosophe Hobbes n’est pas claire, et phonétiquement, les deux sont trop proches pour que Hobson laisse une place à Hobbes.

Erreur ou innovation lexicale ? De toute façon, les accusations d’illettrisme fusent.

Mark Liberman’s Language Log entry on Hobbesian/Hobson’s choice reminds me of this recent thread on the ADS-L mailing list, which discussed the same topic: Arnold Zwicky presented a collection of examples which employ Hobbesian choice deliberately, to denote “a bad choice, between two unacceptable alternatives”. Hobbesian, though, is typically interpreted as an error, and accusations […]

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Launching a new project of the calibre of the Eggcorn Database — modest as it is in the greater scheme of internet things, certainly increased my stress levels. Suddenly there are registered users and opinionated commenters (not to mention technical glitches). So I have been fighting feelings inadequacy and anxiety about potentially disappointing the […]

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