… où l’on découvre les poteaux roses

This is a long overdue post on French eggcorns, with an introduction and (in the second instalment) a collection of about 40 of “poteaux roses”.

Les lecteurs/trices francophones qui ne jettent pas les gants devant les billets rédigés dans la langue de JK Rowling ont déjà rencontré un genre d’entités mystérieuses appelés eggcorns. Il est grand temps que /ser.ənˈdɪp.ɪ.ti/ leur consacre un article en français. Le voici.

L’histoire des eggcorns a débuté il y a deux ans, quand les professeurs de linguistique qui animent l’excellent Language Log se sont penchés sur le cas de la graphie inhabituelle — erronée — qui est justement egg corn pour ce qui de toute évidence aurait dû s’écrire acorn, c-à-d le gland du chêne. Ce qui est intéressant dans cet écart à la règle orthographique : si l’on ne sait pas comment les dictionnaires épellent acorn, la variante egg corn paraît tout à fait raisonnable pour cette sorte de graine (corn) ovoïde (egg).

Très vite il s’est avéré que le phénomène était loin d’être un accident isolé. Comme le montre le titre du billet initial de Mark Liberman (Egg corns: folk etymology, malapropism, mondegreen, ???)#[1], la question fut posée comment on devrait appeler un tel écart linguistique. Dans Lady Mondegreen says her peace about egg corns, Arnold Zwicky fit remarquer que les linguistes ne disposent pas d’assez de termes (techniques ou informels) pour nommer tous les différents procédés que les gens emploient pour « refaçonner » (« reshape ») les mots et locutions de leur langue. Le nom eggcorn fut adopté et une véritable eggcornomanie se développa.

PEB/FOX: découvrir le poteau rose

La maladie était contagieuse, et pour mettre un peu d’ordre dans tout cela j’ai créé un site (en fait, une base de données), The Eggcorn Database, qui à attiré la collaboration de plusieurs associés prolixes, dont des professionnels de la linguistique, et compte à ce jour 360 entrées dûment répertoriées et documentées. Et j’en suis fière comme un bar-tabac.

Comme la faculté de langage est commune aux êtres humains, le phénomène n’est pas limité à la langue anglaise. Et étant incapable de fonctionner en une seule langue à la fois, j’ai commencé ma petite collection d’exemples français. Seulement, il fallait un nom . En cherchant un peu, j’ai vite décidé de les appeller des « poteaux roses ».

Quand j’explique ce que j’entends par « poteau rose », le premier exemple cité par mes amis est en général la substitution autant pour moi pour au temps pour moi. En effet, cela en est l’exemple-type :

  1. Le sens (ou ce qu’on appelle le « sémantisme », le fonctionnement sémantique) de la graphie traditionnelle — la référence sportive, ou musicale — est devenu opaque pour la majorité des gens.
  2. L’idée, floue et instinctive peut-être, que les locuteurs moyens ont du sens de l’adverbe autant s’accorde très bien avec ce qu’ils veulent dire quand il utilisent cette locution.
  3. Les deux versions sont parfaitement homophones (en API cela s’écrit, par exemple, [oˈtɑ̃puʁˈmwa]  ).

En réalité, nous acceptons des prononciations proches (des paronymes) : plus le sens originel ou l’étymologie de la cible sont impénétrables, plus il peut y avoir écart phonologique ou sémantique entre l’original et son poteau rose.

Attention, toutes les confusions de mots ne comptent pas. Les difficultés notoires introduites par les nombreux homophones du français ne créent dans la plupart des cas pas de poteaux roses. Quelqu’un qui écrit foi au lieu de foie pense quand même à l’organe et non à la religion ; idem pour l’oubli d’un accent créant par hasard un mot incongru (tâche/tache). Il ne s’agit pas non plus de confusions entre deux termes mal compris (astrologie/astronomie, âcre/âpre…), ou de différences de sens subtiles (acception/acceptation, affleurer/effleurer, compréhensif/compréhensible…).

Quand on emploie un poteau rose on sait parfaitement ce qu’on veut dire et a compris la sémantique des mots qu’on va effectivement consigner sur papier. Sauf que se sont malheureusement pas « les bons », car il manque une pièce du puzzle étymologique, sémantique et parfois historique.

Il se pourrait que vous soyez de ceux et celles qui à ce stade du récit se mettent à déplorer la déperdition de la langue, la baisse du niveau, la monté de l’illettrisme et la hausse du prix des… oh, désolée. Vous avez tort. Les procédés qui font que la langue change sont aussi vieux que la langue elle-même.

En effet, qu’arrive-t-il à des poteaux roses qui réussissent ? Google trouve deux fois et demi le nombre de pages pour autant pour moi que pour au temps pour moi, et l’expression est bel et bien dans le Petit Robert. Eh bien, ils seront désormais catalogués sous l’appellation « étymologie populaire » .

Et il y en a. Le remède de bonne femme, par exemple, qui, comme l’explique langue-fr.net, est la métamorphose d’un remède de bonne fame, donc de bonne renommée, bien famé. Tomber dans les pommes n’est pas en meilleure posture ; rien à voir avec la culture fruitière.

[1]: Un « malapropisme » est un type d’erreur linguistique nommé d’après Mrs Malaprop, un personnage tiré d’une comédie de Sheridan (le nom lui-même fait allusion à mal à propos, bien entendu). C’est la substitution, souvent aléatoire, d’un mot « compliqué » (terme technique, mot rare, latinisme ou grécisme de la langue savante) par un autre. Par exemple : allegory au lieu de aligator.
Un « mondegreen » est une erreur de perception (et non de production) des paroles d’une chanson ou d’une déclamation. Cela vient de la ballade écossaise The Bonny Earl of Murray, dont les deux vers « They have slain the Earl of Murray / And laid him on the green » (« Ils ont abattu le Comte de Murray / et l’ont déposé sur le pré ») s’est transformé à l’écoute en « … / and Lady Mondegreen ».

Finissons-en avec l’introduction. Derrière la coupure, voilà un premier recueil d’une quarantaine de poteaux roses français.

… ben, c’était ce qui était prévu, mais un billet de 3647 mots est difficilement gérable. Continuez donc avec la deuxième partie.

Crédit Image : PEB et FOX, dont les planches (« Calembours », « Figures de style »…) sont magnifiques, mais dont le nouveau site fait planter mon Firefox.



Belle récolte de fichiers audio ou video téléchargeables. D’abord dans la catégorie politique : Ifilm propose Submission (VO, c-à-d en anglais majoritairement, sous-titré en néerlandais) de Theo van Gogh et Ayaan Hirsi Ali’s comme fichier .mov / Apple Quicktime. Merci Viewropa.

Toujours sur Viewropa, j’ai découvert cette collection de chansons Rock/Pop (mp3). Étant fan de Beth Gibbons, je me suis toute de suite éprise de Masha Qrella.

M-à-j: Dodgygeezer at Viewropa semble-t-en faire une chronique mensuelle  le dimanche, on va à la chorale.

Et si vous ne connaissez pas encore ARTE Radio, courez-y. Leur site regorge de clips, 477 à ce jour, faisant entre une et 25 minutes. Ils couvrent un large éventail de styles et sujets, dont certains en anglais, allemand, multilingues ou expérimentaux. Ce sont des mp3, ou bien vous pouvez écouter la version Real Média.

Et la cerise sur le gâteau? Les fichiers sont librement téléchargeables sous licence Creative Commons (ici une explication en français)! C’est-à-dire que nous sommes libres de partager ces fichiers sous condition de créditer ARTE Radio, de ne pas en faire des œuvres dérivées, et de ne pas les utiliser à but commercial. C’est comme ça que l’audiovisuel public devrait fonctionner. Âllo, BBC, ARD, ZDF, France 2/3/5, vous écoutez ? [Silence profond …]

Voici donc en toute légalité quelques échantillons.

  • Mourir de rire: Assimix, ou Comment apprendre toutes les langues de l’Europe en quatre minutes. A éviter si vous ne supportez absolument pas le moindre stéréotype culturel, même pas pour le ridiculiser. (Credits: Christophe Rault, David Christoffel)
  • Le sensuel: Le monologue de Molly Bloom en français plus autres langues. Ce n’est pas le seul enrégistrement coquin sur leur site. (Credits: Christophe Rault)
  • Le marrant sur fond sérieux et politique: Allo US. ; and une version de la Marseillaise désormais illégale. La prison menace. “Ça tombe bien, on a besoin de vacances,” dixit ARTE Radio.

Je n’ai pas aimé les logos qu’on peut télécharger aussi pour son propre site. J’en ai donc fait un bouton moi-même. Le voici: ARTE Radio.

Également sous licence Creative Commons, ou plutôt un projet entrepris pour promouvoir ce type de licence, il y a le Wired CD. Toutes les pistes sont désormais disponibles compressés sans perte, pour les ré-mixeurs entre vous. Via le blogue de Creative Commons.


Pas aussi atroce que ça !

La maîtrise de M. Kerry, candidat démocrate à la présidence des Etats-Unis, de la langue française, je veux dire. Vous êtes probablement en désaccord si vous vous attendez à des prouesses, mais personnellement, je suis habituée à pire.

On Language Log, Geoffrey Pullum links to an mp3 audio clip from Slate Magazine, in which John Kerry, visiting Haiti while campaigning, speaks a few words of French. According to Prof. Pullum, Kerry’s French is “atrocious”. Well, I have to disagree respectfully. Sure, the Mr Kerry on this clip doesn’t come up to the ankles of, say, Jean Jaurès, but first of all there are extenuating circumstances, and second, there’s more data available than just four seconds out of a 25-sec recording.  lire le billet »


Minimalist Kitkat

Comment un slogan publicitaire anglais est «traduit» en français, loi Toubon oblige.

As you probably know, there is a law in France, called “loi Toubon” after the former minister of culture who sponsored it, that requires all product descriptions and adverts (“be they in spoken, written or audio-visual form”) to be in French. If several languages are present (read: if the slogan is in English) the French […]

 lire le billet »